LES TROUBLES DE STRESS POST TRAUMATIQUE PÉRINATAUX (TSPT)

Dans ma pratique, je rencontre principalement des jeunes femmes ayant développées des états de stress post traumatique. Voyons un peu plus précisément en quoi consiste ce trouble, notamment en prenant l’exemple d’un accouchement traumatique. 

De manière générale, nous pourrions définir le TSPT périnatal comme l’ensemble des troubles psychiques se développant chez une personne après un événement traumatique ayant menacé son intégrité psychique et/ ou physique au cours de la période périnatale

La gravité de la situation obstétricale ou néonatale ne suffit pas à elle seule, à préjuger de son caractère traumatogène. La sévérité de l’expérience traumatique périnatale est partiellement définie par la réponse émotionnelle subjective et l’interprétation de l’événement qui varient selon la perception de chaque individu. Ce qui peut être traumatisant pour une maman ne l’est pas forcément pour une autre. 

En périnatalité, les situations pouvant amener un stress post traumatique sont multiples et marquantes. Je rencontre tous les jours dans ma pratique des patientes vivant des grossesses à risque, comme par exemple des grossesses gémellaires, des grossesses avec la découverte d’une malformation fœtale, d’une trisomie ou d’une maladie.

Des patients rencontrent parfois des complications obstétricales comme un placenta praevia, un diabète gestationnel, une menace d’accouchement prématuré (MAP), une hystérectomie post accouchement. Nombreuses sont aussi celles qui demandent une aide psychologique lors d’une fausse couche, d’une interruption thérapeutique de grossesse, d’une interruption volontaire de grossesse (IVG). J’ accompagne aussi les parents quand bébé tarde à venir, dans les parcours de procréation médicalement assistée (PMA), ou quand il part trop tôt ( mort in utero, bébé mort-né, syndrome de mort subite du nourrisson).

A cela, je rajoute aussi toutes les pathologies de la psychiatrie périnatale de la maternité (le baby blues, la dépression anté et post natale, la psychose puerpéral…) et de la paternité (le syndrome de la couvade, les acting out, les conduites addictives …). 

N’oublions pas aussi que la grossesse peut aussi être vécue comme « un déclencheur » venant réactiver les traumatismes du passé. C’est parfois le cas pour les abus sexuels, ou les attouchements par exemple, qui peuvent être réactivés par les examens obstétricaux répétés (touchés vaginaux, échographies ….). Binet dit : « ce sont quelquefois des circonstances plus banales qui génèrent chez les parturientes ou leur compagnon un sentiment de peur intense, d’impuissance, de mort imminente ou d’horreur, réactivant dans certains cas des situations antérieurement vécues ». Bydlowski parlait, elle, de « névrose traumatique post obstétricale ». Binet parle lui de « traumatismes maternels », d’autres auteurs utilisent la terminologie de « post portum PTSD » ou de traumatismes liés à l’accouchement … 

L’exemple du traumatisme de l’accouchement

 L’accouchement est un jour spécifique, un moment clef en périnatalité, un pont entre l’anté et le post natal. Il est célébré quand la naissance s’est déroulée à terme, dans de bonnes conditions, avec un bébé « bien portant ». En tant que professionnels de la santé périnatale, notre clinique nous montre qu’il n’en va pas toujours ainsi. L’accouchement est aussi vécu comme un événement douloureux, éprouvant. Les salles d’accouchement révèlent toute cette ambivalence : cette beauté et cette violence. C’est ce que Claude Revault d’Allones appelle « le mal joli », où les femmes peuvent se sentir entourées et malmenées. 

L’accouchement est au croisement de la vie et de la mort, nécessitant d’ailleurs une hospitalisation au regard des risquent encourus. Il met parfois en jeu la vie de l’enfant ou celle de sa mère, et ce, même si la médecine de plus en plus performante et analgésiante offre une baisse considérable (mais non nulle) de la mortalité maternelle et infantile. Aujourd’hui, environ 11 femmes décèdent pour 100.000 naissances vivantes au cours de la grossesse, ou dans un délai de 42 jours après la délivrance. Les principales causes étant les hémorragies et les embolies.

Les expériences de mort imminentes lors de la délivrance révèlent aussi l’ampleur de l’événement. Comme les épisodes de dissociation. Missonier souligne d’ailleurs que sa violence traumatique est une ennemie redoutable de la créativité virtuelle des processus de parentalité. Il parle d’un temps de « crise », et d’un « nid propice à la genèse de l’angoisse »10. Dans la population générale, environ 80% des femmes enceintes expriment de la peur à la perspective d’accoucher. On appelle d’ailleurs « tocophobie » la phobie de l’accouchement. Où la peur de perdre l’enfant ainsi que le sentiment de perte de contrôle au cours de l’accouchement pourraient constituer des facteurs déclencheurs de l’état de stress post-traumatique. 

Certaines recherches évoquent spécifiquement les « troubles de stress post traumatique liés à l’accouchement (TSPT-A) ». Le DSM 5 ne fait à ce jour aucune distinction avec un TSPT classique. Sa principale spécificité est que l’événement traumatique ayant causé son apparition soit l’accouchement. Tout comme le TSPT, il se caractérise par une combinaison de quatre ensembles de symptômes, qui doivent provoquer une souffrance cliniquement significative ou perturber le fonctionnement (social, professionnel, ou autre). Apparus à la suite de l’accouchement, les symptômes doivent persister au moins un mois après ce dernier. Nous notons : 

  • des symptômes envahissants liés à l’accouchement, tels que des souvenirs répétitifs, involontaires et envahissants, qui sont source de détresse. Une jeune mère peut décrire des flash back ou des cauchemars du moment où la gynécologue demande des compresses de manière urgente, suite à une déchirure par exemple. Ces souvenirs peuvent revenir sans raison apparente, mais aussi être déclenchés par un stimulus externe (un touché vaginal post accouchement, la rééducation du périnée …) ou interne (contractions utérines pendant les menstruations, maux de ventre, douleurs lors des rapports sexuels).
  • de l’évitement persistant des stimuli de tout ce qui s’apparente à l’accouchement. Cela peut se manifester par un repli sur soi, une difficulté à croiser une femme enceinte, un évitement des questions sur l’accouchement, ou des reports répétés des rendez-vous de suivi post-partum. Cela peut aussi être dirigé vers l’enfant, dont la présence rappelle l’accouchement et empêcher la rencontre mère-enfant. 
  • des altérations négatives des cognitions et de l’humeur : il s’agit d’émotions négative telles que la peur, la tristesse, la honte; mais aussi de difficultés à éprouver de la joie ou du bonheur et d’un détachement vis à vis d’autrui. C’est par exemple des difficultés à se souvenir de l’accouchement, une perte d’intérêt pour les activités d’habitudes appréciées, ou encore des croyances négatives envers soi, les autres ou le monde (« je suis coupable », « je ne suis pas à la hauteur », « le monde est dangereux », …). 
  • des altération de l’éveil et de la réactivité. On parle aussi d’ « hyperactivation » liée à l’expérience traumatique. Ce sont des manifestations d’irritabilité et d’agressivité, de sursauts fréquents, de troubles du sommeil et de la concentration, des comportements auto- destructeurs. Il est par exemple fréquent de recevoir une maman qui se réveil souvent en sursaut la nuit, avec le besoin irrépressible de devoir aller vérifier que son bébé respire. 

Dans la population générale, environ 3 à 6% des mères développent un trouble de stress post traumatique lié à l’accouchement. Les conséquences peuvent être dramatiques tant pour la mère et son enfant, mais aussi pour le couple, et les éventuelles grossesses ultérieures. Il semble que deux facteurs de risques jouent un rôle majeur dans le développement d’un TSPT lié à l’accouchement : la détresse subjective durant le travail (douleur, peur intense, dissociation, perte de contrôle …) et les urgences obstétricales.

Ce pourcentage de TSPT-A atteint 18 à 19 % chez les mères dites « à haut risque », comme par exemple celles qui ont connu des complications sévères durant la grossesse (pré-éclampsie, hyperémèse gravidique, etc.), celles qui accouchent avec extraction instrumentale, qui souffrent de tocophobie ou dont l’enfant est né prématurément. Pour évaluer et repérer ces troubles, il va être primordial d’appuyer notre regard clinique sur des outils objectivables… 

Conclusion

Les troubles de stress post traumatique périnataux sont clairement à prendre en considération, et une orientation en EMDR est alors particulièrement adaptée.

Pour plus d’information sur cet article  » Les troubles de stress post traumatique périnataux », n’hésitez pas à me contacter.

Sources :

Zimmermann, E ., (2019). Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique, dans Tarquinio C;, (dir.), EMDR en 46 fiches. Malakoff (France) : Dunod. 519-533. (Aide Mémoire). 

Bayle B., (2017). Psychiatrie et psychopathologie périnatales. Malakoff (France) : Dunod. 553p. (Aide Mémoire).7 Binet Eric., (2012). Traumatismes psychiques en périnatalité et EMDR. Réalités en gynécologie-obstétrique, mars/avril 2012, n.161. 

Bydlowski M., (2008). La dette de vie. Itinéraire psychanalytique de la maternité. Paris (France) : Puf. 214p. (Le fil rouge). 

Ayers S., Bond R., Bertullies S., Wijma K ., (2016) The aetiology of post-traumatic stress following childbirth: a meta- analysis and theoretical framework. Psychol Med 46:1121–34 

Missonier S., (2009). La consultation thérapeutique périnatale. Un psychologue à la maternité. Paris (France) : Eres. 392 p. (La vie de l’enfant). 

Defoges C., Sandoz V., Hosch A., (2020); Le trouble de stress post traumatique lié à l’accouchement. Périnatalité, Avril 2020, n.12, 192-200 . 

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